LE TRAVAIL EN BURN-OUT !

L’urgence de repenser au modèle du travail

Par Laura Belconde, février 2022

Évolution de la conception du travail 

En France, la conception du travail a évolué au fil du temps. Fondamentalement, le travail est synonyme de contrainte, voire de souffrance. D’ailleurs, le mot « travailler », qui date du XIème siècle, vient du latin tripalariare « torturer avec le tripalium », un instrument de torture servant à immobiliser les grands animaux pour pratiquer sur eux certaines opérations. Pour autant, le travail est depuis toujours une nécessité pour subvenir à aux besoins vitaux de l’homme. Cependant, il ne demeure pas qu’une nécessité douloureuse. 

Durant la renaissance, le travail n’est plus le seul moyen de satisfaire des besoins, il permet de réaliser sa foi, l’homme participant par son travail à l’œuvre de Dieu. En cause : les grandes découvertes, les progrès de la science, l’imprimerie, le développement des villes… et l’enrichissement de l’Eglise, qui donne au travail une valeur spirituelle. « Les hommes ont été créés pour s’employer à faire quelque chose et non pour être paresseux et oisifs » selon Calvin, pasteur emblématique de la Réforme protestante. Le travail n’est pas une sanction, c’est une vocation et il met en exergue le travail de Dieu. 

Au XVIII ème siècle, le monde se modernise avec la révolution agricole et industrielle, et le travail s’en voit transformé. On commence à parler de productivité et de performance. Le travail est alors perçu comme une récompense méritée, justifiée par la rectitude de sa vie personnelle, l’honnêteté de son travail et par l’utilité de son rôle dans la société. On commence à établir un lien entre statut social et travail, avec l’arrivée des bourgeois. 

Au XIXème siècle, avec l’industrialisation et l’augmentation de la productivité, le travail apparaît comme le moyen pour progresser vers le bien-être.  On parle de « liberté créatrice » et de « l’essence de l’homme » pour se distinguer de l’animal. A la fin du XIXème siècle, on observe la division du travail et l'accroissement de sa densité. Les contacts sont plus fréquents entre les salariés, les distances réduites. La division du travail va permettre de développer de la coopération et des interdépendances entre les personnes. Les salariés entrent en relation car ils sont différents et ont besoin les uns des autres. Ainsi, le rôle de la division du travail est une véritable socialisation. Le travail permet donc aux individus de construire une identité professionnelle. 

Au XXème siècle, la positivité du travail cesse avec le début de la mondialisation. La demande est toujours plus grande, il faut produire beaucoup plus. On observe alors une intensification significative du travail, avec notamment le taylorisme qui se traduit par un travail à la chaîne, permettant une plus grande productivité mais un appauvrissement des tâches. On observe une évolution des nouvelles technologies, le travail féminin, la réduction du temps de travail et son intensification pour palier à cette réduction. Le travail est devenu tout le contraire de la conception qu’on s’en faisait au XIXème siècle: selon la philosophe Hannah Arendt, il prive l’homme de tout ce qui fait son essence, donc cela nuit à son bonheur. Pour autant, il reste un moyen de sociabilisation, d’identité et d’atteinte d’un statut social. 

Depuis le début du XXIème siècle, on observe un progrès immense des technologies numériques. Paradoxalement, les communications s’améliorent de manière stupéfiante avec internet mais les relations sociales, elles, s’appauvrissent. La société moderne se déshumanise, y compris au travail. Ces changements technologiques ont entraîné une dématérialisation du travail, avec la possibilité de communiquer partout dans le monde, à n’importe quel moment. Ainsi, le travail s’infiltre partout, ignorant les frontières spatiotemporelles et les salariés sont constamment reliés au travail. Parallèlement, les entreprises sont face à une demande qui explose avec les nouvelles technologies, des clients de plus en plus exigeants et le temps de travail légal réduit et plus flexible. 

Pour répondre à cette difficulté, certaines entreprises coupent les budgets, réduisent les effectifs et intensifient le travail. Cette intensification du travail se traduit par une pression hiérarchique qui exige toujours plus en matière de disponibilité, de productivité, de discipline, de don de soi, mais avec en plus des contrôles accrus, une chasse aux erreurs permanente, et une baisse d’autonomie. Les objectifs individuels de performance, la compétition entre salariés et l’ambiance oppressante ont engendré un travail très individualiste, qui installe une défiance entre collègues et détériore les relations sociales. Temps de travail rallongé, surcharge de travail, stress accru, sentiment d’insécurité renforcé, relations humaines détériorées : cela génère un mal-être professionnel qui se traduit par une souffrance psychologique bien plus grande qu’auparavant. La pénibilité du travail a glissé de l'effort physique vers la charge mentale, c’est à dire l’effort émotionnel.  

La crise sanitaire de la covid-19 a entraîné une réorganisation forcée des entreprises, avec notamment l’usage du télétravail. L’organisation du travail des salariés s’est vue chamboulée, avec un éloignement significatif des relations sociales et un management plus opaque, mais aussi une nouvelle façon de travailler qu’avec les outils technologiques, ou encore un cadre physique parfois non adapté. Le travail a pour certains diminué, mais pour d’autres il s’est intensifié, sans frontière avec la vie privée. Au-delà du chamboulement organisationnel, les salariés, qui ont eu beaucoup plus de temps pour eux causé par le télétravail, ont goûté à l’accroissement de leur épanouissement personnel. Famille, amis, passions, sport, temps pour soi, le télétravail a permis aux salariés d’avoir le temps pour s’adonner à des activités décorrélées du travail. Le retour au travail en présentiel a déclenché des questionnements quant aux sphères de la vie qui permettent de tendre vers un épanouissement, vers le bonheur: le travail en fait-il réellement partie? La problématique est aussi générationnelle, puisque les Millénials qui ont pu vivre beaucoup plus d’expériences que les anciennes générations (voyages, diversités sociales, internet, réseaux sociaux…), ont d’autant plus conscience que leur bonheur ne se décèle pas nécessairement dans le travail. 

La perte de sens au travail devient alors une véritable problématique. Si le travail n’apporte plus la sociabilisation dont j’ai besoin, que ce n’est pas l’essence de l’homme, que mon statut social ne tend pas vers un réel bonheur, que ma récompense n’est pas adaptée à mon travail et à mon investissement, et qu’il ne permet pas de réaliser ma foi, est-il redevenu que contrainte, souffrance et nécessité aux besoins vitaux? 

Tous malades à cause du travail ?

Le travail tel qu’il est aujourd’hui entraîne une dégradation sévère de la santé mentale et physique des salariés, et plus largement de leur mal-être. Les nouvelles technologies et le télétravail ont généré une augmentation de la sédentarité, et avec elle une forte augmentation des troubles musculo-squelettiques (qui regroupent un ensemble de maladies localisées au niveau ou autour des articulations), des troubles du sommeil et de la santé visuelle et auditive. Les risques psycho-sociaux eux aussi explosent et sont en constante hausse, si l’on regarde le dernier baromètre de la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles, par le cabinet BDO. Stress chronique, épuisement professionnel, harcèlement moral, dépression… la liste des risques psycho-sociaux est longue. En 2007, la commission européenne alertait déjà sur l'ampleur grandissante du mal-être, et l'OMS estimait que d'ici 2020, la dépression deviendrait la principale cause d'incapacité au travail. Dans les entreprises, ce mal-être des salariés est en partie reflété par une baisse de leur engagement, une augmentation de l’absentéisme et du turnover. 

Ainsi, on dénombre en moyenne 25,1 jours d’absence par salariés et par an, d’après  le cabinet d’expertise Ayming, avec une augmentation de +24% du taux moyen annuel entre 2019 et 2020 (5,54% à 6,87%). Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, entre 50 % et 60 % des journées de travail perdues pourraient être imputées au stress lié au travail et aux risques psychosociaux, et d’après l’Assurance Maladie, 30% des arrêts de travail sont liés aux troubles musculo-squelettiques. 

D’après l’INSEE, le turnover moyen en France est de 15,1%, ce qui est considéré comme élevé. Un turnover qui tend à rester en augmentation, puisqu’il a augmenté de +19,4% entre 2018 et 2021, et que fin 2021, 50% des salariés de 40 ans et moins, et des salariés de 10 ans et moins d’ancienneté souhaitaient changer de poste et/ou d’entreprise, selon une étude d’Ayming. 

L’engagement chez les salariés français est très faible : l’institut Gallup estime que seulement 6% sont réellement engagés et 69% sont totalement désengagés de leur travail, quand 25% sont moyennement engagés. En 2020, l’IBET (Indice de Bien-Être au Travail) révèle une dégradation de l’engagement avec une hausse du désengagement de 27 %, un niveau qualifié d’« alerte ». Le désengagement tend également à rester en hausse, puisque 26% des salariés observent une baisse de leur engagement depuis 2020 selon l’étude d’Ayming. 

On observe que le désengagement, le turnover et l’absentéisme sont liés, puisque selon l’étude précitée, 40% des salariés s’étant absentés en 2020 expriment une baisse de leur engagement (versus 21% des non absents), et 63% souhaitent changer de situation professionnelle (versus 39% pour les non absents). 

En cause, un mal-être mental et physique. 44% des salariés français sont en situation de détresse psychologique selon le cabinet Empreinte Humaine, et les burnouts ont doublé en 2021 avec plus de 2 millions de personnes touchées. Un constat alarmant lorsque l’on sait que les épuisements professionnels comme le burnout sont des facteurs prédictifs de suicide. Un cadre sur deux estime avoir subi un burnout dans sa vie, comme 36% des salariés tous postes et secteurs confondus. Les managers sont fortement touchés, car selon Cadreemploi, 52% d’entre eux sont en détresse psychologique, un manager sur cinq a été concerné par l’épuisement professionnel en 2020, et 20% d'entre eux ne souhaitent plus encadrer d’équipe. Selon une étude du cabinet Haystack Analytics, 83% des développeurs sont en situation de burnout, alors que la société se digitalise à grande vitesse. Aussi, 20% des salariés français voient une dégradation de leur santé physique depuis 2020. Ce mal-être, ils l’expliquent par une pression professionnelle trop élevée (63%), une charge de travail trop élevée (59%), un manque de reconnaissance pour le travail accompli (54%), un trop plein de stress (53%), selon une étude Ifop-Mooncard.

Ajoutons à cela l’individualisme et la compétition au travail, qui engendrent un repli sur soi et une défiance entre collègues, avec une difficulté à s’intégrer au sein d’un groupe : le lien social n’est plus évident. Les croyances professionnelles néfastes instaurées par la direction sont très présentes et pèsent sur le moral des salariés. Le stress au travail génère de nombreux maux comme la perte d’appétit, des troubles de la digestion, de concentration et de sommeil, des maladies cardiovasculaires, des maux de dos, une perte de confiance… La neuroscience a permis de déterminer qu’un individu en état de mal-être voit ses capacités cognitives diminuer. On remarque alors que les maux mentaux et physiques sont intimement reliés. Aussi, 45% des troubles musculo-squelettiques entraînent des séquelles lourdes avec des risques de désinsertion professionnelle, selon l’Assurance Maladie. 

De tels chiffres sur la santé mentale et physique des salariés sont alarmants, notamment lorsque l’on sait que ce n’est qu’une partie émergée de l’iceberg. En effet, ces études ne prennent ni en compte les rendez-vous médicaux effectués en dehors du cadre du travail et sans absentéisme (médecin, kinésithérapeute, psychologue, psychiatre…), ni les dénis d’épuisements professionnels (les hommes, par exemple, avouent moins que les femmes être en détresse psychologique, et sont parfois même dans le déni). Santé Publique France estime qu’entre 53% à 73% des troubles musculo-squelettiques ne sont pas déclarés en maladie professionnelle. Nombreux sont les salariés français qui « tirent sur la corde », s’accrochent à leur travail et donnent plus que tout de leur personne. 

Des entreprises elles aussi en difficulté 

Les conséquences de ce mal-être des salariés impactent directement les entreprises et leur pérennité. L’Institut Sapiens estime que le coût de l’absentéisme en France avoisinerait les 108 milliards d’euros par an, soit 4,7% du PIB. Une étude de Gras Savoye Willis Towers Watson a calculé que le coût complet pour une entreprise de 1000 salariés avec un salaire moyen de 30 000€ par an et un taux d'absentéisme de 5%, revient entre 1 500 000 et 3 000 000 d’euros par an. Des chiffres qui laissent penser qu’ils sont sous-estimés, puisque le dernier taux moyen annuel d’absentéisme en France en 2020 est de 6,87%. 

Le coût du turnover est plus complexe à calculer car il dissimule plusieurs critères inhérents difficilement quantifiables comme la perte de savoir et la perte de productivité estimée, le temps perdu pour trouver un remplaçant, les coûts d’embauche de ce dernier et sa formation, le déficit de productivité de ce remplaçant… Mais certaines études démontrent que chaque fois qu’une entreprise remplace un salarié, cela lui coûte entre la moitié du salaire annuel, et le triple de son salaire. En moyenne c’est 6 à 9 mois de salaire. Si l’on prend exemple avec un cadre gagnant 60 000 euros par an, cela représente 30 000 à 45 000 euros de frais de départ, de recrutement et de formation. Donc pour une entreprise de 1000 employés, en prenant le taux de turnover annuel moyen en France qui est de 15,1%, et en se basant sur le calcul des frais de turnover pour un cadre, le coût final s’élèverait entre 4 530 000 et 6 795 000 euros par an. 

Le coût du désengagement des salariés a été estimé en 2020 par l’Indice de Bien-Être au Travail (IBET) à 14 310 euros par an et par salarié. Encore une fois, si l’on prend le taux moyen annuel de désengagement total qui est de 69%, et que l’on calcule le coût du désengagement dans une entreprise de 1000 employés, on arrive à un total de 9 873 900 euros par an. Cela ne prend pas en compte les salariés moyennement engagés (25%). 

Les coûts engendrés par l’absentéisme, le turnover et le désengagement sont colossaux pour les entreprises, et ont un impact direct et considérable sur leur productivité, leur profit et leur pérennité. Mais au-delà de ces coûts, la dégradation de l’ambiance de travail, un turnover conséquent et des employés désengagés ont des conséquences néfastes sur la qualité et l’image de l’entreprise. Cela engendre des difficultés pour recruter de nouveaux talents, mais aussi pour fidéliser et acquérir de nouveaux clients. 

Une étude menée par PR Newswire montre qu’une mauvaise image d’entreprise peut diminuer jusqu’à 33% leurs profits annuels. LinkedIn révèle que les entreprises ayant une mauvaise réputation peuvent débourser en moyenne 3500 euros de salaire supplémentaire par an pour attirer des candidats potentiels par rapport aux sociétés jouissant d’une bonne réputation. Le coût peut monter à un supplément de 5 millions d’euros annuels en moyenne pour une entreprise de 10 000 employés. Début 2022, la Banque de France estimait que 52% des recrutements étaient difficiles (tous secteurs confondus), avec des taux bien plus alarmants dans certains secteurs (71% pour le commerce, 68% pour la construction, 65% dans l’industrie). Des recrutements qui s’annoncent de plus en plus compliqués, quand une étude du cabinet Korn Ferry estime que la France pourrait manquer d’1,5 millions de salariés qualifiés d’ici 2030. De plus, on présume que les Millénials feront partie de 75% de la population d’ici 2025 et ont des attentes de plus en plus pointues. 56% d’entre eux refuseraient d’intégrer une entreprise en raison de valeurs divergentes, et 62% veulent exclusivement travailler pour des entreprises et organisations qui cherchent à délivrer un impact environnemental et social positif. D’après Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2021, les travailleurs sont plus exigeants, et cela pourrait faire pencher le rapport de force en faveur de la main-d’œuvre. 

Les clients sont eux aussi de plus en plus exigeants, et sont eux aussi dorénavant plus regardants sur la démarche sociale et environnementale des entreprises. Selon le Boston Consulting Group, 84% des Millénials considèrent que cette démarche sociale et environnementale est un critère essentiel pour savoir à quelle entreprise acheter, et 56% d’entre eux se renseignent systématiquement. Fatalement, 75% des marques seraient rejetées par les Millénials. Certaines entreprises, désespérées, cherchent par tous les moyens de survivre dans un contexte aussi difficile.

Un système dysfonctionnel 

A la lumière de ces conséquences dramatiques du travail actuel sur la santé des salariés et la pérennité des entreprises, on peut avancer qu’il y a urgence de repenser le modèle du travail et que nous sommes dans un système complètement dysfonctionnel. Les individus, en quête de bonheur, ne trouvent plus aucun épanouissement au travail. Pire encore, le travail nuit gravement à leur santé mentale et physique, ce qui les éloigne encore plus de leur quête de bonheur. Alors, à quoi bon travailler si le travail n’est réduit qu’à un dur labeur et qui, malgré un salaire, ne permet pas d’être heureux et en bonne santé? 

Les entreprises elles, qui ne veulent que survivre dans un contexte difficile de mondialisation, veulent faire le plus de profit possible tout en réduisant les coûts, pour maintenir leur compétitivité et leur pérennité. Cela se traduit par une charge de travail plus élevée, moins d’humain, plus de pression etc., qui empiète jour après jour sur la santé et le bonheur des salariés. 

Ce mal-être des salariés influe directement l’image de l’entreprise, la productivité et les finances, qui eux vont impacter le recrutement et l’acquisition de clients, et tout cela impacte profit et la compétitivité, et par extension, la pérennité. Et rebelote. Les entreprises sont alors totalement contre-productives et se sont engrainées dans un cercle vicieux. 

D’un côté nous sommes dans un contexte économique où tout va toujours plus vite, plus fort, et d’un autre, les individus n’en peuvent plus, craquent, et souhaitent être plus épanouis. Nous sommes arrivés dans une ère où le monde du travail et les individus marchent à deux vitesses différentes, et où le système, est à deux doigts de dérailler.

Vers un changement du système? 

Alors est-ce le début de la fin du travail, comme certains le disent, ou du moins le souhaitent fortement ? Si l’on remonte dans les années 70, suite aux chocs pétroliers, l’économie est entrée dans une crise provoquant une très forte augmentation du chômage. Ce chômage de masse alimente le désespoir social et l'absence de travail est cause de grande souffrance, un réel traumatisme. Encore aujourd’hui, une très large majorité des chômeurs en France souhaitent travailler. Selon plusieurs études, dont celle de l’INSEE « Travail et mode de vie », les français restent très attachés au travail, qui arrive en deuxième position comme condition du bonheur, après la santé mais avant la famille, l’argent et l’amour. Le travail est alors considéré comme une condition essentielle au bonheur. Il est un moyen de construire son identité, de se placer dans la société. Il permet d’avoir de l’estime de soi, de ressentir un sentiment d’utilité et d’appartenir à une communauté. Le travail ne tend donc pas à disparaître, et restera très présent dans la vie des individus. La problématique reste donc de repenser le travail, et non le faire disparaître. 

Certains pensent alors qu’il faut sortir du capitalisme et trouver une économie alternative. Le capitalisme, qui a des effets dévastateurs sur l’environnement et le social, serait arrivé à ses limites. Émissions de gaz à effet de serre, pénuries des ressources telles que l’eau potable, pollution, épuisement des réserves… la liste des effets néfastes du capitalisme et de la mondialisation est extrêmement longue, et tout cela a un impact direct sur la vie de milliards de personnes dans le monde et plus globalement sur le monde du vivant. Alors, pour sortir de ce système, il faudrait produire moins mais plus qualitatif, et rémunérer mieux. Par conséquence, cela veut dire qu’il faut sortir du système de sur-consommation. Après tout, le capitalisme et la sur-consommation n’ont pas toujours été normalisés. Si l’on remonte l’histoire, les paysans ne cherchaient pas à avoir plus que ne l’exigeait la satisfaction de leurs besoins. Ils ont dû se soumettre à une dépossession de leurs moyens de subsistance et à voir leurs salaires baisser pour se plier aux nouvelles règles. Le capitalisme a ensuite déployé ce nouveau comportement au niveau mondial. Est-il alors réellement possible de revenir à un système économique plus « simple »: produire moins, plus qualitatif, soucieux de l’environnement et des humains ? 

Les patrons diront qu’il n’y a pas d’alternatives. En dehors du système capitaliste, dans un contexte marchand, la logique veut toujours qu’un euro n’est utile que s’il se transforme en 1,5 euros. Il faut donc de la plus-value, et donc, réaliser des profits financiers. La société marchande a besoin de capitaux. La logique de produire moins, plus qualitatif, tout en rémunérant mieux les employés et en faisant attention à l’environnement est une utopie. Les entreprises sont elles-mêmes prises dans un engrenage, où, elles n’ont pas le choix : il faut faire du profit pour survivre dans un contexte de mondialisation où tout repose sur la compétitivité et les capitaux. Et lorsque l’on parle de survie, tous les moyens sont bons pour y arriver. Certaines entreprises, comme celles impliquées dans les Panama Papers, si elles le peuvent, cherchent à utiliser les lois à leur avantage : payer le moins d’impôts possible, réduire le coût du travail… Cela crée une compétition où celle qui a le moins d’éthique sociale remporte la mise. Les entreprises misent également sur l’angoisse et le désespoir social qu’engendre la précarité de l’emploi causée par le chômage et la flexibilité du travail. L’emploi est alors une « chance », un bien précieux qu’il faut préserver. Les patrons l’ont bien compris et peuvent exercer une augmentation des cadences, de la pression, de la compétition… Malheur à celui qui n’atteint pas ses objectifs, qui semble fatigué ou malade, il pourrait perdre la chance d’avoir un travail, et par extension, une partie de son identité. Ce système d’engrenage capitaliste est tout sauf éthique, et le monde entier en a conscience. 

Mais si un système anti-capitaliste est pour l’instant difficilement envisageable dans un contexte marchand, y a-t-il une alternative?

Une alternative vertueuse  

Fatalement, les entreprises vont être progressivement au pied du mur, puisque le système de travail actuel fait chuter les profits et fragilise leur pérennité. Si l’on se penche sur les tendances de la santé des individus, qui tend à s’aggraver, cet effondrement des profits risque de s’accélérer dans les années voire les mois qui viennent. Alors, par où commencer ? Souvent, la réponse se trouve juste sous nos yeux. 

On a vu que l’absentéisme, le turnover et le désengagement ont des conséquences considérables sur les finances des entreprises, mais aussi sur le recrutement et la fidélisation et acquisition client. Le tout impacte directement le profit et la pérennité. Si la pérennité part de là, alors la réponse à notre problématique se trouve là également. On a vu également que l’absentéisme, le turnover et le désengagement sont liés, et que les causes et conséquences avancées par les salariés sont toujours les mêmes : le mal-être. Le mal-être est un sentiment de malaise profond qui s’empare d’un salarié et s’installe dans la durée. 

Pour remédier à ce mal-être, tournons-nous vers son antonyme : le bien-être. Selon la définition de l’INRS, « la notion de bien-être au travail est un concept englobant, de portée plus large que les notions de santé physique et mentale. Elle fait référence à un sentiment général de satisfaction et d'épanouissement dans et par le travail qui dépasse l'absence d'atteinte à la santé. Le bien-être met l'accent sur la perception personnelle et collective des situations et des contraintes de la sphère professionnelle ». L’Organisation mondiale de la Santé associe la notion de bien-être avec la santé: « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». De ces deux définitions on en retient que le bien-être est la somme de la santé physique, la santé mentale, de bonnes relations sociales, de satisfaction et d’épanouissement. Des notions à la fois complexes et très larges. Mais revenons à l’objectif même des entreprises : baisser les coûts et augmenter la productivité pour accroître le profit. Alors pourquoi dépenser de l’énergie à essayer de comprendre ces notions vastes, de mettre en place des actions et de fait, dépenser de l’argent et potentiellement réduire sa productivité ?

C’est un fait aujourd’hui vérifié par de nombreuses d’études : le bien-être des salariés et la pérennité des entreprises sont non seulement conciliables, mais sont surtout intimement liés par une corrélation positive et une spirale vertueuse. En effet, selon une étude américaine de Harvard et MIT, un salarié heureux est 31% plus productif, 55% plus créatif, deux fois moins malade, six fois moins absent et neuf fois plus loyal. Selon l’institut Gallup, cela équivaut à 25% de dépenses en moins liées à l’absentéisme, un chiffre d’affaires multiplié jusqu’à 2,5 et une augmentation du profit jusqu’à 44%.De ce fait, les enjeux d’un salarié heureux sont multiples. Un salarié heureux est plus engagé et donc plus productif et plus attaché à son employeur. En situation stressante, les individus les plus fortement engagés se motivent et s'imposent des efforts d'adaptation afin de réduire la menace. Ils sont également plus créatifs et donc plus innovants et force de proposition. Ils ont une meilleure estime d’eux-même donc sont plus proactifs et autonomes. Il sont également en meilleure santé. Les impacts sont tout aussi importants puisqu’il y a par conséquence moins de stress, d’épuisement, de maladie professionnelle, d’absentéisme. 

Les avantages pour les entreprises sont nombreux : elles bénéficient d’une bonne image auprès de leurs clients, mais aussi des talents qu’elles cherchent à recruter, car elles se différencient de leurs concurrents. Mais par-dessus tout, elles voient leurs performances s’accroitre et leurs coûts baisser. Le bien-être profite donc à la pérennité des entreprises

Certains seront sceptiques quant à la mise en place d’actions liées au bien être : « le bonheur en général ne peut pas être géré par l’entreprise », « le bonheur est une notion subjective »,  « il n’y a pas de budget pour le bien-être », « le bien-être nécessite une baisse de charge du travail donc la productivité ne pourra jamais augmenter », « le bien-être n’est pas mesurable et quantifiable ». 

Tout d’abord, il faut savoir que selon l’INSEE, le travail arrive en deuxième position comme condition du bonheur après la santé mais avant la famille, l'argent et l’amour. Pas étonnant puisque l’environnement du travail est l’une des sphères de notre vie où nous passons le plus de temps. Cela devient donc un endroit où il est possible de valoriser la notion de bien-être pour tendre vers notre bonheur.

Ensuite, le bien-être relève bien de paramètres à la fois objectifs qui profitent à tout le monde mais aussi subjectifs. La notion de bien-être est alors propre à chacun, et elle est vécue différemment en fonction de plusieurs critères : l’âge, la catégorie professionnelle, le sexe, les changements effectués dans l’entreprise… Les paramètres subjectifs nécessitent alors seulement de prendre en considération les besoins de chacun. 

A propos du budget, les entreprises ont tendance à avoir une stratégie « clients first » : les clients d’abord. Le budget débloqué est utilisé pour la fidélisation et l’acquisition des clients : publicités, mais aussi cadeaux, restaurants et autres avantages. Mais maintenant que l’on sait que les comportements de consommation changent, et que les clients deviennent de plus en plus sensibles aux valeurs de l’entreprise portées sur la dimension sociale et environnementale, n’est-il pas plus logique d’avoir une stratégie « employees first » : les salariés d’abord ? La logique deviendrait alors : rendre ses employés heureux pour avoir des clients heureux. 

Concernant la charge de travail diminuée, il est reconnu que les pauses régulières et suffisamment longues sont bénéfiques sur de nombreux points. Non seulement sur la santé physique en réduisant drastiquement les troubles musculo-squelettiques, mais aussi sur la productivité, la concentration, le sommeil, la gestion du stress… Par exemple, l’entreprise lettone Draugiem Group s’est rendue compte que les salariés les plus efficaces alternent 52 minutes de travail avec 17 minutes de pause : travailler avec un but à court terme booste les performances. 

Quant au dernier point, il est tout à fait possible de mesurer le bien-être à l’aide d’un baromètre : plusieurs outils ont déjà été mis en place sur le marché. Il est également quantifiable, à l’aide de ce baromètre, mais aussi en suivant de près l’absentéisme ou le turnover. 

Toutes les entreprises ont alors tout intérêt à faire en sorte que les salariés soient heureux, puisqu’il n’y a aucune conséquence néfaste sur leur activité. Comme l’écrivait Shawn Anchor, auteur et spécialiste de la psychologie positive: « le seul véritable atout dans l'économie moderne est une main d'oeuvre heureuse et impliquée ». Les entreprises doivent alors comprendre que la dimension humaine doit être leur seul et unique pilier, avec pour seul véritable défi de considérer le bien-être des salariés et leur valorisation comme principale ressource de leur entreprise. C’est la stratégie de transformation humaine des entreprises. Il s’agit de maximiser l’épanouissement individuel de chaque salarié tout en favorisant la productivité du collectif et donc la croissance de l’entreprise. C’est une stratégie gagnant-gagnant pour les patrons et les salariés: alors que l’on pensait que le progrès économique était antinomique au progrès social, il apparaît au contraire qu’ils soient alliés et complémentaires. Ce défi est actuellement un sujet central de notre société, qui permettra de s’accorder sur la conception du travail actuel.

Oui, une conciliation entre capitalisme et écologie est possible ! 

Reprenons les trois grandes idées qui sont ressorties depuis le début de ce manifeste. 

  • La conception du travail a évolué, avec une perte de sens significative quant à l’épanouissement que procure le travail. L’épanouissement personnel en dehors de la sphère professionnelle devient alors une condition essentielle au bonheur des individus. Le travail n’est aujourd’hui plus central et la majorité des salariés aspire à un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. La réussite sociale ne passe plus seulement par la réussite professionnelle : il faut désormais réussir les deux. 

  • La pérennité des entreprises repose sur le bien-être des salariés, émanant de plusieurs paramètres: la santé physique, la santé mentale, de bonnes relations sociales, de la satisfaction et de l’épanouissement. 

  • Le bien-être repose sur des paramètres objectifs et subjectifs, il est donc nécessaire de considérer chaque salarié pour comprendre son besoin. 

Si l’on met en corrélation ces trois grandes idées: la conception du travail que l’on a actuellement, les paramètres qui définissent le bien-être et la dimension subjective de ces derniers, on peut facilement avancer que l’épanouissement personnel et la considération doivent rentrer en ligne de compte dans le bien-être des salariés. Ainsi, les véritables piliers au bien-être sont la santé physique, la santé mentale, les relations sociales, la satisfaction, la considération, l’épanouissement professionnel et l’épanouissement personnel. 

Lorsqu’on se penche sur les études ou les recherches liées au bien-être (neurosciences, médecine, psychologie positive, sciences du bonheur…), on se rend vite compte que ces piliers sont intimement liés, voir interdépendants. Par exemple, les relations sociales peuvent influer sur la santé mentale, et vice-versa. L’épanouissement ne sera pas total s’il n’est pas à la fois professionnel et personnel. L’épanouissement ne peut pas non plus être total si l’on n’est pas en bonne santé physique et mentale, et s’il n’a pas été pris en totale considération, etc. Il s’agit alors pour les entreprises de travailler  en parallèle sur tous les piliers sans exception pour être réellement efficace : tous sont essentiels. 

Si l’on se penche sur la santé physique et mentale, piliers qui sont peut être les plus faciles à développer en raison de nombreuses données et conseils qu’il y a sur le sujet, on comprend qu’elle a un fort lien avec l’environnement. D’ailleurs, l’OMS a déclaré que « l’environnement est la clé d’une meilleure santé ». Ainsi, agir sur les facteurs environnementaux permet de prévenir, préserver et améliorer l’état de santé des salariés. Les entreprises, en faisant attention à la qualité des eaux, de l’air et de l’alimentation, à l’exposition aux produits chimiques et aux ondes, en se protégeant du bruit, en luttant contre l’insalubrité etc., améliorent l’état de santé des salariés (et donc leur bien-être), et améliorent en même temps l’environnement.

Prenons exemple de l’alimentation: l’OMS définit une alimentation saine comme étant diversifiée (constituée notamment de fruits et légumes, légumineuses, céréales complètes et noix) et incluant peu de composants présentant un risque pour la santé. Ces composants peuvent être du sel, du sucre, mais aussi des produits chimiques, tels que les pesticides. Les produits chimiques présentent un danger colossal pour les humains: malformations, troubles neurologiques, infertilité, maladies cutanées ou oculaires… l’Inserm confirme même « un lien fort » des pesticides avec certains cancers, des troubles cognitifs, bronchite chroniques, etc. Une alimentation saine protège également contre le diabète, les cardiopathies, les accidents vasculaires cérébraux… La liste est longue. Mais les conséquences sont tout aussi graves pour l’environnement. Selon le ministère français de l’écologie, les pesticides menacent directement la biodiversité en dégradant les sols et en portant atteinte à des espèces non menaçantes pour les récoltes comme les insectes. Ces derniers étant très utiles pour la pollinisation des fleurs, des plantes ou des insectes auxiliaires naturels de culture, leur disparition nuit gravement au bon fonctionnement des écosystèmes. 

L’OMS a déclaré que « l’alimentation est la principale source d’exposition aux pesticides », on peut donc avancer qu’elle touche directement à la santé, mais aussi à l’environnement. Quand on sait que nous mangeons notre repas du midi, du goûter, voire même du petit-déjeuner sur les horaires de travail, les entreprises ont alors un rôle à jouer sur l’alimentation, et par extension sur l’environnement, la santé des salariés, et leur bien-être. Il en va de même pour tous les autres facteurs de l’environnement (eau, air, bruit…). Selon le ministère français de l’écologie, « les eaux continentales de surface et souterraines font l'objet d'une contamination quasi-généralisée » des pesticides. Le constat est alors similaire pour l’eau et l’alimentation, et il en sera de même sur les autres facteurs de l’environnement.

C’est en comprenant que l’environnement à un rôle primordial sur la santé, et de fait sur le bien-être, le profit et le capitalisme, que l’écologie prendra tout sons sens. Et si l’on rentre en profondeur dans le sujet, et que l’on regarde tous les aspects de l’environnement sans exception (plantes, animaux, fleuves, océans, air, bactéries etc.), on découvrira que tout est corrélation avec la santé de l’être humain. C’est à partir de ce moment là que nous admettrons tous faire partie du « vivant », que toutes les formes quelles qu’elles soient qui touchent au vivant sont interdépendantes, comme les paramètres du bien-être, et donc toutes sont essentielles et doivent être considérées, étudiées et améliorées au même niveau. C’est en se tournant vers l’être humain, en comprenant que nos propres besoins de santé sont fortement liés à l’environnement, que nous saisirons en masse l’importance de l’écologie. 

Aussi, lorsque les entreprises se rendront compte que les aspects de l’environnement touchent de près à leurs produits et installations, mais aussi ceux de ses prestataires, et plus largement du quotidien de ses salariés en-dehors du cadre professionnel (produits chimiques dans un vêtement, pesticides dans un aliment, plomb dans un bâtiment etc.), la conscience et l’urgence écologique prendra toute son ampleur. Un cercle vertueux commencera. Le bien-être des salariés ira au-delà des frontières de l’entreprise, en imposant à tout prestataire de conduire la même démarche éthique,  sociale et environnementale, afin de préserver la santé de ses propres salariés. Les patrons feront pression sur le gouvernement pour que tous les facteurs de l’environnement soient améliorés. Les humains comprendront leur place et leur utilité dans la dimension du vivant et seront tous acteurs d’un monde plus écologique et bienveillant. 

Mis à l’échelle nationale, si l’humain était replacé au coeur d’un bon nombre d’entreprises, on pourrait alors penser que ce schéma vertueux profiterait à tout le pays, sur le plan de l’économie, de la santé, de la sécurité et de l’écologie. Une santé qui s’améliore engendre une amélioration de la sécurité, de l’écologie et de l’économie nationale, une baisse des coûts liés à l’assurance maladie et à la sécurité, et donc, plus de marge de manoeuvre pour augmenter le pouvoir d’achat des français. Le sujet étant trop vaste, il mériterait un manifeste dédié. 

La stratégie de transformation humaine des entreprises est alors le point d’entrée à leur pérennité tout en ayant un impact social et environnemental important dans le monde, et pourrait être les prémices d’une nouvelle économie humaniste, conciliation entre capitalisme, humain et écologie. 

Les acteurs d’un monde meilleur  

Pour que ce schéma vertueux puisse se mettre en place à grande échelle, et qu’on puisse tendre vers un monde meilleur, il faut une prise de conscience forte de la part des dirigeants d’entreprise. Ce sont eux qui doivent insuffler le bien-être au travail, en redéfinissant les valeurs et normes d’entreprise, en changeant les politiques de management et ressources humaines. Les actions qui seront mises en place pour favoriser le bien-être au travail découleront directement de la volonté forte et sans faille de la direction. Ainsi, la prise de conscience pourra être collective au sein de l’entreprise afin de tendre au mieux vers le bonheur et la croissance. Pour que les dirigeants en prennent conscience, il faut que l’information arrive jusqu’à eux. 

Ainsi, qui que vous soyez à lire ce manifeste, et si vous adhérez à ses thèses, parlez-en autour de vous, partagez, envoyez ce manifeste à un membre de la direction de votre entreprise. Si vous êtes dirigeant, partagez ce manifeste avec vos homologues. 

Ensemble, construisons des conditions de travail meilleures. Ensemble, construisons une économie qui nous convienne à tous.